Ville de Cruas

Ville de Cruas

L’Abbatiale

PANNEAU

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L’Abbatiale est le seul vestige visible d’une ancienne Abbaye bénédictine fondée au IXe siècle. Elle a été en grande partie construite entre le XIe et le XIIe siècle. Cet ensemble architectural est remarquable par sa grandeur et la richesse de son histoire.

L’Abbaye de Cruas fut fondée par des moines bénédictins autour de l’an 804, en pleine période carolingienne. Elle fut un lieu de prière, d’étude et de travail pour les moines. Au Moyen Âge, elle bénéficiait d’une grande influence et possédait de vastes terres dans la région.

Comme dans la plupart des monastères bénédictins, la vie des moines à l’Abbaye de Cruas était régie par la règle de saint Benoît, qui mettait l’accent sur la prière, le travail manuel et l’étude. Les moines se consacraient à la prière divine (les offices liturgiques), mais également à la gestion de terres agricoles, à l’artisanat et à l’éducation. Ils étaient responsables de la culture des terres, de la production de vin, de l’élevage et d’autres activités économiques, garantissant ainsi l’autosuffisance du monastère.

La vie monastique était marquée par une grande rigueur, avec des périodes de silence, des prières régulières et une discipline stricte. Le monastère servait également de centre d’hospitalité pour les pèlerins et de lieu d’enseignement pour les jeunes moines en formation.

L’Abbatiale de Cruas est particulièrement célèbre pour sa rare et très bien conservée tribune monastique, qui est un des éléments les plus spectaculaires de l’édifice (elle n’a pas été restaurée, mais seulement dégagée de son carcan d’alluvions amenés par les débordements réguliers du ruisseau Crûle, situé au Nord). Cette tribune, construite au milieu du XIIe siècle, est un espace surélevé destiné à accueillir les moines pendant les offices. Elle permettait aux moines de suivre les chants liturgiques et les prières tout en étant séparés de l’assemblée des laïcs.

L’Abbatiale de Cruas est aussi remarquable pour ses chapiteaux sculptés, particulièrement ceux de la tribune monastique et de la crypte. Ces chapiteaux, pour la grande majorité, œuvres de tailleurs de pierres locaux, présentent des motifs décoratifs très variés.

La crypte, bien préservée, constitue l’un des éléments les plus anciens de l’abbaye. Elle servait à abriter les reliques sacrées et à fournir un espace de prière supplémentaire. La crypte a une atmosphère particulière, étant un lieu de recueillement et de méditation qui préserve une grande part de l’histoire spirituelle du site. L’architecture de la crypte est sobre mais impressionnante, avec sa multitude de colonnes hétérogènes et ses voûtes d’arêtes qui créent un espace intime et mystique.

Entre autres trésors, l’église possède encore son Maître Autel du XIe siècle (une belle pièce en marbre) consacré en 1095 par le Pape Urbain II lors de son déplacement l’amenant à Clermont pour prêcher la première croisade et une magnifique mosaïque du début du XIIe siècle qui représente le prophète Elie et le Patriarche Hénoc sous la main de dieu (ce sont les deux seuls hommes, selon l’ancien testament,  à avoir été enlevés vivants au ciel). Encadrée par ces deux personnages, nous avons une représentation du jardin d’Eden, avec l’arbre de vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Le déclin de l’Abbaye débute à la fin du Moyen Âge, et elle subit de nombreuses destructions, notamment pendant la guerre de cent ans (1337-1452) et les guerres de religions (deuxième moitié du XVIe siècle). Les moines sont chassés de l’Abbaye de plaine et les bâtiments conventuels sont partiellement ruinés.

Au début du XVIème siècle, avant de fuir les crues causées par Crûle pour aller s’abriter sur les hauteurs, les moines, par manque de moyens, ont muré la tribune monastique, le reste de l’Abbatiale n’a pas été protégé. Par la suite, l’eau a charrié toutes sortes de boue et de vase, ce qui entraîna peu à peu le comblement des parties non murées. Les moines revenant de temps en temps dans l’Abbatiale, n’eurent pas d’autres options que de combler par des apports de terres volontaires et de la chaux (pour assainir les sols) le reste de la nef et les bas-côtés. Ces opérations se répétèrent jusqu’à ce que le niveau du sol soit homogène dans tout l’édifice. En plongeant ainsi dans l’oubli la tribune basse, ils ont donc créé une nouvelle église de plain-pied.

On peut encore aujourd’hui voir les traces sombres laissées sur les piliers, nous signalant l’ancien niveau du sol.

Protégé et entouré par ses quatre murs, le niveau inférieur de la tribune a ainsi longtemps été perçu comme étant une seconde crypte.

Les fouilles archéologiques entreprises à partir des années 1970 ont permis de mettre en lumière de nombreux aspects de l’histoire de l’Abbatiale et de l’abbaye de Cruas. Ces fouilles ont révélé des vestiges importants, notamment ceux d’une Domus gallo-romaine, les fondations d’un édifice paléochrétien de la fin du Ve ou du début du VIe siècle, des parties de la première Abbatiale élevée au IXe siècle, des tombes, des objets liturgiques et des pièces de monnaie entre autres. Elles ont également permis de mieux comprendre l’organisation de la vie monastique au Moyen-Âge et d’identifier les différentes phases de construction et de transformation de l’abbaye au fil des siècles.

Lors des fouilles archéologiques, environ 1 200 mètres cubes de déblais ont été enlevés, ce qui a permis de redécouvrir la tribune monastique et d’autres éléments architecturaux enfouis sous les couches de sédiments accumulées au fil des siècles. Les fouilles ont aussi mis en évidence l’importance de l’abbaye dans la région à travers les siècles.

L’abbatiale de Cruas est donc un lieu chargé d’histoire et de spiritualité, un témoignage impressionnant de l’architecture religieuse du Moyen Âge et de la vie monastique. Avec ses chapiteaux sculptés, sa crypte préservée, son authentique tribune monastique et les fouilles archéologiques qui ont révélé son passé, elle continue d’être un lieu de mémoire et de découverte pour les visiteurs. Elle est un exemple de la richesse historique de l’architecture romane et un symbole de la vie monastique dans l’ancien Vivarais