Grignan

Panorama

Station

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là C’est là que la Provence commence, bien que le Dauphiné nous tienne encore la main. Il est temps de la lâcher et de regarder le paysage s’épanouir. On aperçoit plusieurs montagnes, d’abord, au loin, les Dentelles de Montmirail qui, par beau temps, annoncent les Alpilles, le pays de Frédéric Mistral et de Mireille : « Son regard est une rosée qui dissipe toute douleur ». Le Mont Ventoux est également présent, où Pétrarque et Laure tressent les rivières chères à René Char. Derrière le Mont Ventoux, il y a le Toulourenc, rocailleux, descendant du pays de Jean Giono.

En remontant, on découvre les Baronnies bleutées et la montagne de la Lance, chère à Philippe Jaccottet (célèbre poète contemporain qui a vécu à Grignan jusqu’à son décès en 2021). Cette montagne, toujours présente, rassure avec ses petites collines qui l’entourent. De là naissent la neige, le beau temps, la pluie. Tout change, mais cette montagne est permanente, offrant une stabilité face aux changements de la nature. L’ondulation des collines nous fait nous sentir bien chez nous, tout en laissant l’idée d’un ailleurs possible, confiné au loin par le Mont Ventoux au sud-est et par la montagne de la Lance à l’est. Et ne dit-on pas “qui voit la Lance voit sa chance” ?

Ce paysage évoque pour moi l’enfance et les vacances, les étés torrides et les chants de cigales. Après le chant du rossignol, qui ouvre la porte de l’été, la cigale orchestre les journées. La nuit, elle se tait, et l’invisible devient visible. On sent ici des présences : celles des gens qui, autrefois, montaient les murs de pierre sèches, leurs perles de sueurs incrustées dans les murailles. On ressent le bruissement des chênes verts, l’odeur des truffes, les chiens qui les cherchent. Les souvenirs des grives chassées par les chasseurs cachés dans leurs abris refont surface.

C’est la beauté simple du monde, souvent oubliée mais toujours présente. Les racines sont là, attendant patiemment. Parfois, seul le bruit du vent et le paysan avec son sécateur brisent le silence, taillant les vignes. La rosée du matin tombe, gouvernant la nature jusqu’à ce que l’alouette, là-haut dans le ciel, s’abreuve dans le soleil. C’est notre Provence, notre chez-nous, mais c’est aussi nous qui la façonnons. La main de l’homme intervient dans le paysage, le transformant au fil du temps.

Il y a longtemps, il y avait beaucoup de vignes, mais la crise du phylloxéra dans les années 1880 a poussé les paysans à planter des chênes truffiers pour subsister. Puis les truffes se sont raréfiées et on a recommencé à planter de la vigne. Aujourd’hui, de nouveaux problèmes touchent les vignobles, et le paysage est encore en train de changer. La main de l’homme devra de nouveau adapter l’économie à la nature, modelant ainsi l’avenir du paysage.